On ne sait exactement quand les îlots de la Somme en amont immédiat d'Amiens sont devenus les Hortillonnages, ces jardins aux terres très fertiles pour la culture maraîchère. Les archives en font mention en 1492 , mais on est en droit de penser qu'ils sont antérieurs à cette date. Une légende rapporte en effet qu'en 1220 , la cathédrale aurait été érigée sur un champ d'artichauts , donné par deux hortillons.
On a souvent comparé les hortillonnages d'Amiens avec le marais de la Sèvre niortaise , avec les jardins flamands du Lysel à Saint-Omer , mais leur spécificité réside dans leur aspect particulier , celui d'îlots situés au milieu d'étangs et utilisés comme "jardins à primeurs" à forte productivité. L'hortillon possède son "aire" à laquelle il accède par de petits canaux appelés "Rieux". Il se déplace sur une barque assez longue (10m sur 1,20 m de large) dont les extrémités ou "cornets" sont relevés pour permettre l'abordage par le devant des aires talutées (sans abîmer les rives) ; ces cornets servent aussi de passerelles pour débarquer les légumes sur le quai du "marché sur l'eau".
Les hortillonnages s'étendaient autrefois en amont et en aval d'Amiens sur quelque 1500 ha au XV é siècle , 500 en 1900. A présent, ce n'est plus que sur 300 ha , entre La Neuville , Rivery , Camon et Longueau , sur 6 km de profondeur et 3 de largeur qu'on essaie de les préserver de l'urbanisation et de la pollution.
Mais les hortillonnages "n'offrent pas seulement un aspect horticole. Les rieux sont bordés d'arbres ; ailleurs , ils s'élargissent en étangs plus ou moins étendus , bordés de kiosques , de villa , et de jardins. Ces cours d'eau boisés et fleuris ont des aspects riants, ils offrent en été de frais ombrages ; les couchés de soleil sur les pièces d'eau sont remarquables"...
Les hortllons n'ont jamais vraiment formé une corporation , mais plutôt une sorte de communauté dont le chef était élu et dont le patron était Saint Fiacre. Il existait au XVIII é siècle toute une hiérarchie dans cette micro-société : à sa tête un "capitaine des hortillons" et deux lieutenants qui partageaient les impôts dus au Roi et à l'Abbaye de Saint Acheul .Les redevances étaient variables et dépendaient de la "culture et de l'importance des moyens ce chaucun".
En 1762 , la communauté des hortillons se composait de 47 membres , formant un monde à part ; la transmission du métier se faisait de père en fils d'où de véritables dynasties comme celle des Cardon , Dargent ou autres Azerondes .
Le travail de l'hortillon était un travail pénible nécessitant nombre d'outils et instruments tels le louchet , le fourchet , le rateau à dents , la binette , le rouleau à mains pour tasser la terre après avoir semé , le faucillon pour sarcler , le petit louchet pour retourner , le plantoir pour repiquer.
Mais il fallait de plus entretenir sans cesse les rieux et le bon écoulement de l'eau entre les aires; là encore , on devait se servir du grand louchet , de la "faucarde"et de la "grippe" ou rateau à quatre dents. En effet , outre la culture à proprement parler , l'hortillon devait deux fois par an "faucarder" les fossés (du 15 mai au 15 juin et du 15 septembre au 15 octobre). Il fallair aussi curer , c'est-à-dire extraire la vase , les boues ,les restes de légumes accumulés ; on reconsolidait ainsi les berges tout en les fertilisant.
C'est en général des aires de 4 à 40 ares que chaque famille d'hortillon cultivait , composant , les unes à côté des autres , une véritable mosaïque , un puzzle géant que l'on découvre encore en survolant le périmètre des hortillonnages.
Source ; Amiens Ed Bonneton